La cité de Saint Simon

Certaines cités prospèrent mieux que d'autres. Certains peuples ont de meilleurs dirigeants. Mais il n'est pas un système qui ne fut meilleur que celui de Simenia. Pas un système meilleur, non. Tout système n'est qu'un ordre tenu par les hommes pour gérer les hommes, tout ordre tend à satisfaire les garants de cet ordre. Les gérés ne sont jamais vraiment les bénéficiaires de l'ordre, ils en sont surtout la matière. L'intérêt général n'est jamais bien servi par les désirs de peu ou d'un seul. Et quand il l'est, ce n'est jamais sans rétribution. Une étrange évolution du monde fit en effet que les hommes de pouvoir s'attiraient autant le pouvoir que la richesse et la gloire. Pourquoi l'organisateur mériterait davantage que le créateur ou l'ouvrier ? Cet état de fait n'eut qu'un effet pervers : comme chacun souhaitait accéder aux plus hautes fonctions, distinctions et évidemment richesses, on vit disparaitre les vrais dirigeants, les bons gestionnaires, les administrateurs sérieux et préoccupés par les autres. Des gens intelligents avaient compris les dangers du pouvoir, toujours trop grand et vicieux. Certains séparèrent le pouvoir en plusieurs petits bouts, chacun étant le garde-fou de l'autre et tous ne se complétant qu'en de rares occasions. Mais personne ne fit jamais ce que Simenia fit : empêcher toute rétribution autre que le respect. A l'âge de 30 ans, un citoyen, quel que soit sa famille, sa richesse ou son sexe, pouvait décider de donner sa vie à la cité. Celui-ci était alors rendu stérile, interdit de possession et surveillé constamment. Ayant choisi sa condition et ne pouvant ni transmettre ses gènes, ni rechercher la richesse, ni connaitre une réelle intimité, il ne pouvait que se donner corps et âmes à sa mission, sans autre espoir ni aspiration. On les appelle les Autres, pour bien signaler leur différence. Je ne peux pas vous assurer que Simenia a réellement existé, mais voici son histoire.